Étienne Pasquier écrivait à Ronsard en 1555, six ans seulement après que Du Bellay, dans l’Illustration de la Langue, avait sonné la charge et prêché la croisade : « En bonne foi, on ne vit jamais en la France telle foison de poëtes… Je crains qu’à la longue le peuple ne s’en lasse ; mais c’est un vice qui nous est propre, que, soudain que voyons quelque chose succéder heureusement à quelqu’un, chacun veut être de sa partie sous une même promesse et imagination qu’il conçoit en soi de même succès. » Pasquier veut bien croire que tous ces nouveaux écrivasseurs donneront tant plus de lustre aux écrits de Ronsard, « lesquels, pour vous dire en ami, continue-t-il, je trouve très-beaux lorsque avez seulement voulu contenter votre esprit ; mais quand, par une servitude à demi courtisane, êtes sorti de vous-même pour étudier au contentement, tantôt des grands, tantôt de la populace, je ne les trouve de tel alloi. » En sachant gré au poëte de l’avoir nommé en ami dans ses écrits, il ajoutait : « Mais, en vous remerciant, je souhaiterais que ne fissiez si bon marché de votre plume à haut louer quelques-uns que nous savons notoirement n’en être dignes ; car ce fesant vous faites tort aux gens d’honneur. […] C’était se révolter contre le propre triomphe de leur cause ; chaque école victorieuse meurt vite de l’abondance de son succès ; même sans avoir pris Rome, elle a sa Capoue. […] Que ne puis-je à mon gré, te choisissant pour maître, Dans tes sages leçons apprendre à me connaître, Et, de ma propre étude inconcevable objet, De ma nature enfin pénétrer le secret ! […] , semblent ici donner le ton ; mais, si le poëte profite des nouvelles cordes toutes trouvées de cette lyre, il n’y fait entendre, on le sent, que les propres et vraies émotions de son cœur. […] Labinsky, on l’oublie complétement ; mais, en parlant si bien la langue d’alentour, ont-ils la leur propre, comme il sied aux poëtes et à tous écrivains originaux ?