Pendant que les démagogues scientistes modernes se congratulent, se décorent, boivent et triomphent dans des banquets, le monde moderne est intérieurement rongé, l’esprit moderne est intérieurement travaillé des contrariétés les plus profondes ; et l’humanité aurait aussi tort de se river à ce que nous nommons aujourd’hui le monde moderne et l’esprit et la science modernes qu’elle a eu raison de ne pas se river aux formes de vie antérieures, aujourd’hui prétendûment dépassées ; dans l’ordre de la connaissance, de l’histoire, de la biographie et du texte, nous sommes en particulier conduits à la singulière contrariété suivante. […] Les humanités panthéistes et généralement théistes avaient, dans l’ordre de la divinité, excellemment, éminemment le sens de l’infini, de l’absolu, du tout ; mais justement parce qu’elles avaient le sens du tout comme tout, elles avaient le sens de la modeste humanité comme étant à sa place particulière dans ce tout ; elles connaissaient les limitations de l’humanité ; elles référaient, comparaient incessamment l’humanité au reste ; et au tout ; ajouterai-je que ces humanités étaient généralement profondes, et qu’elles ne vivaient point sur des contrariétés intérieures sans les avoir connues par les profondes voies de l’instinct ; dans ces humanités l’homme était reconnu partie et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. Les humanités déistes et particulièrement chrétiennes, ces singulières humanités, qui ne nous paraissent ordinaires et communes que parce que nous y sommes habitués, ces singulières humanités, où l’homme occupe envers Dieu une si singulière situation de grandeur et de misère, si audacieuse au fond, et si surhumaine, — l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, — et Dieu fait homme, — avaient séparément le sens du parfait et de l’imparfait, du fini et de l’infini, du relatif et de l’absolu ; elles connaissaient donc les limitations de l’humanité ; ajouterai-je que généralement ces humanités étaient à la fois intelligentes et profondes, et que la constatation même des contrariétés intérieures, de la grandeur et de la misère, faisait peut-être le principal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. […] Je crois même que l’homme, ayant plus de facultés, reçoit des impressions plus profondes ; le dehors entre en lui davantage, parce que les portes chez lui sont plus nombreuses. […] La foule des simples gens devinera son ennemi avec un instinct profond.