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1046. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

On peut même aller plus loin, et dire que la conscience nous révèle entre ces deux genres de souvenir une différence profonde, une différence de nature. […] Si l’image retenue ou remémorée n’arrive pas à couvrir tous les détails de l’image perçue, un appel est lancé aux régions plus profondes et plus éloignées de la mémoire, jusqu’à ce que d’autres détails connus viennent se projeter sur ceux qu’on ignore. […] À chaque moment d’une perception attentive, par exemple, des éléments nouveaux, émanant d’une région plus profonde de l’esprit, pourraient se joindre aux éléments anciens sans créer une perturbation générale, sans exiger une transformation du système. […] Tantôt on confère à l’esprit une autonomie absolue ; on lui prête le pouvoir de travailler sur les objets présents ou absents comme il lui plaît ; et l’on ne comprend plus alors les troubles profonds de l’attention et de la mémoire qui peuvent suivre la moindre perturbation de l’équilibre sensori-moteur. […] La reconnaissance attentive, disions-nous, est un véritable circuit, où l’objet extérieur nous livre des parties de plus en plus profondes de lui-même à mesure que notre mémoire, symétriquement placée, adopte une plus haute tension pour projeter vers lui ses souvenirs.

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