MADAME DE DURAS La Restauration, qui, dans son cercle de quinze années, enferme une époque bien circonscrite et un champ-clos si défini, offre à l’œil certains accidents, certains groupes d’opinions et de personnes, certaines figures, qui ont pu se produire avec avantage sous les conditions d’alors, et que, même sans en adopter le cadre, on se surprend fréquemment à regretter, comme tout ce qui a eu son brillant ingénieux, son harmonie passagère. […] Dans Édouard, c’est autrement grave et déchirant ; c’est le jeune plébéien qui se produit devant la noble et modeste Nathalie dans toute la séduction de sa timidité, de son instruction solide, de sa sensibilité vierge, de son front d’homme qui sait rougir ; c’est celui qui quelques années plus tard sera Barnave ou Hoche30. […] L’usage qu’elle fait des couvents et du prêtre la différencie surtout d’une manière bien tranchée d’avec Mme de Souza ; il y a entre elles deux, comme séparation sur ce point, tout le mouvement religieux qui a produit le Génie du Christianisme et les Méditations. […] Car telle est l’ingratitude, source des plus grands chagrins ; elle consiste à méconnaître les sentiments dont on est l’objet, parce que le cœur est incapable de les payer de retour et d’en produire de semblables : il y a là cette impuissance, cette ignorance, qui font l’excuse.