C’est sur ces principes que les anciens philosophes ont condamné la poësie. […] Au lieu de songer à réformer les fausses idées des hommes, ils y ont la plûpart accommodé leurs fictions ; et sur ce principe ils ont donné souvent de grands vices pour des vertus, contens de décrier les penchans les plus honteux et les passions les plus grossiéres. […] Il est néanmoins important d’en fixer l’idée ; car les exemples ne sont que des moyens de comparaison, sujets à mille erreurs ; au lieu que les définitions font juger des choses par un principe invariable, sans avoir recours à des analogies toujours très-imparfaites. […] La paresse est une suite naturelle de ce principe ; ainsi Anacréon qui vivoit conséquemment, ne se fatiguoit pas à méditer ni à arranger de longs ouvrages ; il se contentoit de mettre en oeuvre quelques idées qui s’offroient d’elles-mêmes, et qui s’arrangeoient peut-être encore par sentiment plus que par réflexion. […] Ma hardiesse ne va qu’à poser pour principe la possibilité de surpasser nos maîtres ; et il me semble qu’on est enfin parvenu à en convenir : mais quand cette idée seroit aussi fausse qu’elle est vraie, l’illusion ne laisseroit pas d’avoir encore ses avantages.