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322. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

De même que le monde antique s’était constitué sur la base du principe d’inégalité, le monde chrétien se constitue sur la base du principe d’égalité. Les faibles de naguère tendent à devenir les forts d’aujourd’hui et déjà l’on peut redouter que cette force nouvelle, devenue tyrannique, ne détermine une forme nouvelle de l’oppression et ne supprime la liberté individuelle qui aura pu fleurir durant peut-être un bref laps de temps grâce à l’incertitude d’une lutte encore inégale entre deux principes contraires. […] Le principe de modération qui, émanant de ses anciens impératifs, a pénétré dans sa physiologie et l’a mis au point de la vie sociale, ne pouvant plus être retranché, le nouveau principe de modération imposé par la vérité étrangère va accroître la force d’inhibition qui contraignait l’énergie du groupe : cette énergie va se trouver abaissée au-dessous du degré qui permet à un groupe social de maintenir son intégrité et son existence parmi les autres groupes. […] Or, cette attitude de défense s’est dissimulée sous le masque de cette même idée générale dont on vient de montrer l’origine dans le principe chrétien accommodé au goût du protestantisme anglo-saxon, l’idée humanitaire qui, sous l’influence d’un besoin plus complexe, s’est enrichie d’une inflexion nouvelle et est devenue ici l’idée cosmopolite. […] C’est en vertu de ce principe que le mariage de l’oncle, avec la nièce était autorisé, et même exigé par la loi.

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