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76. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon n’était fait, à aucun degré, pour être ni ministre, ni général, ni homme de finance et de budget ; il est, pour un homme d’esprit, singulièrement court, j’allais dire inepte, sur tous ces divers objets qui font les branches principales du gouvernement des États ; il n’est pas, même dans l’ordre philosophique, un esprit supérieur ; il reste soumis et astreint aux croyances les plus étroites de son temps ; s’il lui arrive de varier en religion, c’est pour passer par les préventions des sectes et des opinions particulières, plus porté dans le principe qu’il ne l’a dit pour les Jésuites et leurs adhérents, puis tournant plus tard et avec une sorte d’âpreté au Jansénisme et à l’anti-Constitutionnalisme. […] et tout historien, fût-ce même le plus régulier et le plus froid) « sujet à erreur », il ajoute : « Ces réserves faites, on ne peut méconnaître dans Saint-Simon une étude personnelle et persévérante des principaux personnages de la Cour de Louis XIV, et un talent merveilleux pour les peindre. » On ne peut méconnaître… mais véritablement quelle grâce on nous fait là ! […] En un mot, ce n’est pas rendre justice à un homme de génie que de faire ainsi en lui l’accessoire du principal, et, après lui avoir soigneusement compté tout ce que les faiblesses humaines lui ont apporté d’imperfections et de défauts, d’accorder qu’il lui reste quelque chose de bien. […] Il s’agit du maréchal de La Feuillade et de son énorme flagornerie, lorsque ayant acheté l’hôtel de Senneterre, il le fit abattre, y établit la place dite des Victoires et y dédia solennellement la statue pédestre de Louis XIV avec les quatre principales puissances de l’Europe enchaînées sous la figure d’esclaves. […] Les princes et princesses de la maison royale et les principaux seigneurs furent invités de s’y trouver ; on les plaça dans des balcons faits exprès sur la façade de l’hôtel de La Feuillade vis-à-vis de la statue.

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