Platon ne s’élève guère au-dessus du sens commun, quand, dans le Sophiste et le Théétète, il appelle la pensée « un dialogue extérieur et silencieux de l’âme avec elle-même4 » ; il n’a pas dégagé, observé et décrit la parole intérieure ; il a eu seulement, une intuition synthétique des différentes sortes de rapports qui unissent la parole et la pensée, rapports dont la parole intérieure constitue elle-même un des principaux, tandis que les autres servent à expliquer et l’invention de la parole et le développement si remarquable de la parole intérieure dans la vie psychique [ch. […] Que de telles expressions21 aient amené Bossuet à démêler la parole intérieure parmi les « actes discursifs » qui, dans l’oraison parfaite, font place à des élans « courts et simples », dont l’âme ne garde ensuite qu’un souvenir indistinct, — bien plus, que la parole intérieure soit, à ses yeux, le principal obstacle qui empêche la plupart des âmes de parvenir à cette « excellente oraison » et au pur état contemplatif, — voilà ce qui paraît ressortir d’une belle page que nous allons citer presque en entier : « Cassien… dit que, dans l’état de pure contemplation, l’âme s’appauvrit, qu’elle perd les riches substances de toutes les belles conceptions, de toutes les belles images, de toutes les belles paroles » dont elle accompagnait ses actes intérieurs. […] Voici la principale : « La parole intérieure n’est que le souvenir de la sensation que produit la parole extérieure. » Donc les lois du souvenir des sensations devraient être ses lois. […] Le faiblesse de la psychologie générale dans Cardaillac est le principal défaut de son étude de la parole intérieure. […] Nous avons essayé, dans les chapitres qui vont suivre, de combler cette lacune de la science psychologique par une description consciencieuse du phénomène, et par un examen des principaux problèmes que soulève cette description129.