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409. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. — Ainsi, à mesure que, du rouge au violet, on descend tous les degrés du spectre, les trois sensations composantes varient d’un degré à chaque degré, mais chacune en un sens particulier, la première passant insensiblement du maximum au minimum, la seconde du minimum au maximum, la troisième allant d’abord du minimum au maximum, puis du maximum au minimum, ce qui explique à la fois le passage insensible par lequel, dans le spectre, chaque sensation composée se relie à la suivante, et la diversité des dix ou douze principales sensations composées78. […] Si un rayon simple n’éveillait en nous qu’une seule sensation de couleur, elle aurait un maximum, un minimum et des degrés intermédiaires, rien de plus ; et, faute de pouvoir l’opposer à une autre, nous ne la remarquerions pas79 ; nous n’aurions pas l’idée de couleur ; les ondes lumineuses ne feraient, en croissant ou en décroissant de vitesse et de longueur, que rendre la sensation plus intense ou plus faible ; les objets ne différeraient que par leur teinte plus ou moins foncée ; ils ressembleraient aux diverses parties d’un dessin où toutes les différences sont celles du blanc, du gris et du noir. — D’autre part, si chaque rayon simple éveillait seulement deux sensations de couleur, nous aurions encore l’idée de couleur ; nous distinguerions encore deux couleurs principales, leurs maxima, leurs minima, leurs intermédiaires et leurs composés ; mais quantité de sensations de couleur nous manqueraient, et toute l’économie de nos sensations de couleur serait renversée. — C’est ce que l’on observe en étudiant divers cas de maladie ou d’infirmité congénitale, et la théorie qui réduit nos sensations élémentaires de couleur aux trois sensations du rouge, du violet et du vert, reçoit ici de l’expérience la plus frappante confirmation80. — Certaines personnes n’ont pas la sensation du rouge81 ; d’autres n’ont pas celle du vert82 ; en prenant de la santonine, on perd pour plusieurs heures la sensation du violet. Dans tous ces cas, non seulement une sensation principale manque, mais beaucoup d’autres sont altérées, et ces lacunes comme ces altérations sont justement celles que doit produire le manque de la sensation élémentaire. — Enfin une vérification plus délicate et définitive s’est rencontrée83. […] Parmi ces couples, on en compte quatre principaux, le rouge et le vert bleuâtre, l’orangé et le bleu cyanéen, le jaune et l’indigo, le jaune verdâtre et le violet ; réunies deux à deux, ces couleurs nous donnent la sensation du blanc, et l’on voit sur le spectre qu’elles sont séparées par une distance moyenne. — Au contraire, prenons sur le spectre les couleurs séparées par la plus grande distance possible, le rouge et le violet ; leur assemblage produit une sensation de couleur distincte, celle du pourpre. — Ces deux remarques donnent la loi qui régit tous les mélanges de couleurs spectrales. — Deux couleurs étant données pour être mélangées, leur distance sur le spectre, comparée à cette distance moyenne qui produit le blanc, en diffère d’une quantité plus ou moins grande. […] Simplifions le fait ; ajournons tout ce qui dans cette sensation appartient au tact, âcreté, astringence, irritation, chaleur, fraîcheur, sensation musculaire spontanée et irradiée vers le canal alimentaire ; considérons seulement les sensations des nerfs gustatifs eux-mêmes, et mettons-les sur la même ligne, soit qu’elles naissent à l’avant, soit qu’elles naissent à l’arrière de la bouche ; leurs principaux types sont les sensations de l’amer et du sucré avec leurs variétés innombrables ; quand nous les avons nommées, nous sommes au bout de notre science, comme tout à l’heure quand nous avons nommé les sensations d’odeur fétide ou parfumée. — Voyons cependant ce que nous pouvons apprendre sur les unes et sur les autres en nous aidant des réductions précédentes, et en étudiant les circonstances où elles naissent.

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