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218. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Quand vous lui écrirez, dites-lui que je ne me lasse pas d’admirer l’adresse avec laquelle il a su profiter d’un temps où, Frédéric et Catherine ayant disparu du théâtre des affaires du monde, il n’y a plus sur tous les trônes de l’Europe que des imbéciles. » Mais la veille ou le lendemain le vent tourne, le langage change, le naturel reparaît ; et vers ce même temps, apprenant le meurtre du duc d’Enghien, elle disait avec la même liberté de propos : « Ce pauvre diable était le seul des princes français qui eût de l’élévation et du courage. […] Celui-ci, interpellé soudainement sur un sujet aussi délicat, répondit avec un peu d’embarras qu’aucune instruction de sa Cour ne l’autorisait à traiter d’un mariage entre une princesse de Naples et le fils de l’Impératrice : « Il ne pouvait donc soumettre à la reine que ses opinions personnelles ; il lui semblait que, dans l’intérêt de sa maison et de ses peuples, elle devrait favoriser une semblable union ; Eugène de Beauharnais avait toute l’affection de l’Empereur, et de grandes destinées semblaient promises à ce jeune homme. » La reine demeura quelque temps sans répondre : un sourire amer parut un moment sur ses lèvres ; elle semblait agitée intérieurement par des réflexions pénibles ; enfin elle rompit le silence et dit, comme avec effort, qu’elle n’avait aucune objection à élever contre la personne du jeune Beauharnais : « Mais il n’avait pas encore de rang dans le monde ; si, plus tard, la Providence l’élevait à la dignité de prince, les obstacles qui s’opposaient aujourd’hui à une pareille alliance pourraient être écartés. » Le moment une fois manqué ne revint pas. […] Lefebvre, qui marquait bien la supériorité de nature de Gœthe sur Wieland ; si ce dernier était le patriarche, l’autre était le prince : « M.  […] Sa maison seule, qui est fort belle, ses escaliers ornés de statues d’un goût parfait, la beauté de ses tableaux, la profusion des dessins qu’on trouve jusque dans ses antichambres, et les raretés de toute espèce et de tous les siècles qu’on rencontre à chaque pas, auraient suffi pour m’apprendre que j’entrais chez le prince de la littérature allemande.

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