Je me ressens du bonheur général : j’ai huit chevaux, une collection de sucre et de café que je vous destine, bonnes prises sur l’état-major ennemi. […] Figurez-vous deux généraux, qui guerroient depuis un mois, qu’on vient prendre en carrosse et conduire dans la citadelle la plus renommée du Piémont, qui se trouvent au milieu de tout un état-major de généraux et officiers ennemis, qui faisaient entre eux plusieurs siècles, et qui brillaient comme des soleils. […] Lorsque je me vis dans la citadelle, séparé de nos troupes, avant que l’armistice fût officiellement connu, je craignais qu’on ne nous retînt pour l’échange des officiers généraux pris aux Piémontais. […] Toutes les dispositions sont prises pour prévenir l’ennemi et l’attaquer deux heures avant le jour (14 janvier) : c’est Joubert qui commence. […] Pendant que se signait cette paix achetée par tant de travaux et de victoires, l’esprit de parti, l’esprit royaliste continuait d’infester la France ; la réaction levait la tête et avait pris pied partout, jusque dans les pouvoirs publics ; et le 18 fructidor, ce coup d’État fâcheux, mais nécessaire, n’était pas encore venu rappeler à l’ordre les mauvais Français, ou ceux qui, se croyant bons, s’égaraient assez pour laisser naître et s’élever en eux des désirs de malheur.