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1743. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Pourtant la popularité de Henri IV prenait dans les imaginations et s’étendait de jour en jour, comme en représailles de la gloire de Louis XIV, et il lui fallait un second, un conseiller, un fidèle : ce ne pouvait être que Sully. […] Ici le style s’abrège, s’affermit, et ce chapitre peut donner une juste idée de la manière du maître s’il avait pris plus souvent la plume. […] Dans les trêves de ces guerres fatigantes, à Pau, à Auch, à Nérac, il avait appris le métier de courtisan avec application, absolument comme on apprend un autre métier : en 1576, à Pau, on le voit étudier son premier ballet dont Madame Catherine, sœur du roi de Navarre, prend elle-même la peine de lui enseigner les pas : « Et de fait vous le dansâtes huit jours après devant le roi », disent ses authentiques secrétaires. […] Cependant ce négociateur de vingt-trois ans, dans cette atmosphère d’oisiveté à laquelle il n’était pas accoutumé, se laisse prendre et amorcer à l’amour. […] En cette saison gracieuse, reposée et unique peut-être dans sa vie, Rosny, âgé de près de vingt-sept ans, dans sa maturité première et, si l’on ose dire, dans sa fleur d’austérité, n’avait pas encore cette mine rébarbative qu’il eut depuis, et que nous lui verrons prendre successivement à travers les fatigues, les périls, les contentions et les applications de toutes sortes, où sa capacité opiniâtre, son ambition légitime et jalouse, son amour du bien public et de l’honneur de son maître l’engagèrent de plus en plus.

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