Charron ne s’en tint pas aux armes de noblesse, il prit la devise morale de son maître et de son ami ; et dans la maison qu’il fit bâtir à Condom, l’an 1600, il fit graver ces mots : « Je ne sais. » Montaigne disait : « Que sais-je ? […] Mais quoique Charron, dans son bon esprit, se fasse cette objection conforme à la charité, et qu’il y obtempère en quelque mesure, comme on sent bien que le raisonneur en prend ici à son aise ! […] Ainsi donc, à les prendre pour ce qu’ils sont, les ouvrages de controverse et de théologie de Charron, antérieurs à sa Sagesse, et qui ne sont pas si en contradiction avec elle qu’ils le paraissent, purent obtenir dans leur temps un succès assez remarquable, et ils avaient leur à-propos. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne. […] Dans une bonne édition de Charron, à chaque passage un peu vif. à chaque expression pittoresque, il devrait y avoir une note indiquant l’endroit de Montaigne d’où c’est pris.