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13. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Elle a pour fonction première d’évoquer toutes les perceptions passées analogues à une perception présente, de nous rappeler ce qui a précédé et ce qui a suivi, de nous suggérer ainsi la décision la plus utile. […] Elle implique, au contraire, une tension plus ou moins haute de la conscience, qui va chercher dans la mémoire pure les souvenirs purs, pour les matérialiser progressivement au contact de la perception présente. […] Mais on peut aller plus loin, et prouver, par l’observation encore, que jamais la conscience d’un souvenir ne commence par être un état actuel plus faible que nous chercherions à rejeter dans le passé après avoir pris conscience de sa faiblesse : comment d’ailleurs, si nous n’avions pas déjà la représentation d’un passé précédemment vécu, pourrions-nous y reléguer les états psychologiques les moins intenses, alors qu’il serait si simple de les juxtaposer aux états forts comme une expérience présente plus confuse à une expérience présente plus claire ? […] Notre passé est au contraire ce qui n’agit plus, mais pourrait agir, ce qui agira en s’insérant dans une sensation présente dont il empruntera la vitalité. […] L’intérêt d’un être vivant est de saisir dans une situation présente ce qui ressemble à une situation antérieure, puis d’en rapprocher ce qui a précédé et surtout ce qui a suivi, afin de profiter de son expérience passée.

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