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33. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Ces diverses inexactitudes de détail m’ont mis en doute sur l’ensemble du travail, et, reprenant moi-même l’étude de Condorcet dans les parties qui me sont accessibles ainsi qu’à tout le monde, je suis arrivé à une tout autre appréciation de l’homme et du caractère ; et, comme Condorcet a été un personnage politique des plus considérables, un de ceux qui font les révolutions, qui y poussent, qui en espèrent tout, qui ne s’arrêtent qu’au dernier moment, au bord extrême du précipice, et qui y tombent, j’ai cru utile de dégager mon point de vue avec franchise et hardiesse. […] Ce qui devait surtout rassurer Fontaine et les hommes du métier, c’était la curiosité universelle de Condorcet qui le poussait au-dehors dans toutes les branches et dans toutes les directions de la connaissance humaine, de telle sorte qu’en s’étendant à tout et même en embrassant tout, elle ne laissait plus guère à son esprit le temps d’inventer sur rien. […] Il pousse quelque part l’espérance du progrès jusqu’à conjecturer qu’il pourra arriver un temps où il n’y aura plus de maladies, et « où la mort ne sera plus que l’effet ou d’accidents extraordinaires, ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales. […] Jamais il ne s’est vu de délire plus éclairé en apparence et mieux enchaîné, de délire plus raisonneur : « Mais ces gens-là ont beau faire, disait quelqu’un assez gaiement, ils oublient toujours que les sept péchés capitaux subsistent, et que c’est eux, sous un nom ou sous un autre, qui mènent ou agitent le monde. » On était à la veille du 20 juin (1792) et de cette insurrection hideuse à laquelle les Girondins poussaient ou prêtaient les mains, afin de se ressaisir du pouvoir. […] Pendant le ministère même des Girondins, Condorcet est en parfait accord avec eux, et ce n’est qu’après leur sortie du ministère qu’il pousse visiblement à l’insurrection qui doit les reporter au pouvoir.

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