Pour en revenir à Gœthe, — la tête de colonne des écrivains allemands que madame de Staël fait brillamment défiler dans son Allemagne et que je demande à la critique d’un homme doué d’un esprit plus mâle de passer en revue à son tour, — pour en revenir à Gœthe et pour être sûr de qui nous parlons, disons d’abord que le génie, la première qualité du génie, c’est là spontanéité, c’est le jaillissement, c’est la nature, plus forte que tout dans un homme et qui l’engendre presque violemment à la vocation, irrésistible comme l’instinct, qui l’y pousse. […] Goetz, comme un niais, d’ailleurs, se donne tout de suite aux Écorcheurs, qui le traitent tout de suite comme les canailles traitent leurs chefs, qu’elles poussent devant elles au lieu de les suivre et de leur obéir Wislingen se donne tout de suite à Maria (la sœur de Goetz), pour se reprendre et se donner tout de suite à Adélaïde, qui aime tout de suite son page Franz, et tout de suite se jette à sa tête pour lui faire tuer immédiatement Wislingen, devenu son mari. […] Gœthe ne rappelle de Florian que l’âne de sa fable, qui, trouvant une flûte à ses pieds et la prenant pour un chardon d’une espèce particulière, y colla ses lourdes babines, souffla et en tira un son qui l’émerveilla dans sa naïveté d’âme, tandis que Gœthe, pour avoir poussé son haleine dans ce trou de flûte, ne s’est point étonné, mais s’est cru un Ménandre, — comme dans le Grand Cophte et les Complices, ses hautes comédies, il s’est cru peut-être un Aristophane.