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11. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Cette gaieté est la veine essentielle chez Beaumarchais, et qui ne le trompera jamais lorsqu’il s’y abandonnera, tandis que sa sensibilité le poussera quelquefois vers le pathos. […] Il arrive à Madrid, va trouver Clavico sans se nommer, invente un prétexte, le tâte dans la conversation, le met sur la littérature, le flatte, le prend par l’amour-propre, puis tout à coup se retourne, aborde le point délicat, pousse sa pointe, tient quelque temps le fer en suspens pour mieux l’enfoncer encore : tout ce dialogue (avec la pantomime du patient) est un chef-d’œuvre de combinaison et de conduite, et qui, à chaque instant, touche au tragique et au comique à la fois. […] Son adversaire le comte de La Blache profite de l’à-propos pour tirer sur le temps, comme on dit, pour pousser l’affaire des quinze mille livres devant le Parlement ; il représente Beaumarchais comme un homme perdu, un scélérat qui a abusé de la confiance de tous ceux qu’il a approchés. […] Il est poussé à outrance, il est vaincu, écrasé ; il n’a plus pour ressource, dans une affaire désormais jugée et de nature déshonorante, qu’un chétif accessoire par où se rattacher au principal ; il est mis en demeure d’avoir à l’instant de l’énergie, de l’esprit, du génie ; il en aura. […] Ses imprudences et pétulances, selon lui, étaient celles « d’un homme passionné, poussé à bout, justement irrité, né très plaisant et très éloquent ».

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