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439. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Il s’amusait à concevoir la présence d’un objet bizarre, et, à peine formé dans son imagination, cet objet se traduisait fidèlement à ses yeux… J’ai moi-même recueilli un cas de ce genre… chez un monomaniaque, homme d’un esprit fort cultivé et d’un caractère plein de sincérité, qui m’a assuré à plusieurs reprises qu’il n’avait qu’à se rappeler ou à concevoir une personne ou une chose, pour qu’aussitôt cette chose ou cette personne lui parussent douées d’une apparence d’extériorité. » Il n’y a pas même besoin d’être malade ou sur le bord du sommeil pour assister à la métamorphose par laquelle l’image se projette ainsi à demeure dans le dehors. […] Pour que l’image fasse son effet normal, c’est-à-dire soit reconnue comme intérieure, il faut qu’elle subisse le contrepoids d’une sensation ; ce contrepoids manquant, elle paraîtra extérieure. Pareillement, pour que les muscles gauches de la face ou de la langue fassent leur effet normal, il faut que les muscles droits correspondants soient intacts ; ce contrepoids manquant, la face ou la langue sont tirées du côté gauche ; la paralysie des muscles d’un côté amène de l’autre une déformation, comme l’affaiblissement ou l’extinction des réducteurs de l’image amène une hallucination. […] Quand l’attention se reporte sur une sensation normale, c’est-à-dire quand cette sensation reprend sa prépondérance ordinaire, il y a des chances pour que les autres sensations annulées reprennent aussi leur ascendant. […] Il suffit souvent que le sujet soit dans un état d’excitation et d’attente pour qu’une sensation, qui, s’il était calme, serait accompagnée d’images médiocrement vives, communique aux images cette netteté et cette énergie extraordinaires41.

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