En tout temps et en tout pays, il suffit qu’un changement considérable s’introduise dans la conception de la nature humaine, pour que, par contre-coup, on voie aussitôt l’utopie et la découverte germer sur les territoires de la politique et de la religion Mais cela ne suffit pas pour que la doctrine nouvelle se propage, ni surtout pour que, de la spéculation, elle passe à l’application. […] La philosophie a besoin d’un écrivain qui se donne pour premier emploi le soin de la répandre, qui ne puisse la contenir en lui-même, qui l’épanche hors de soi à la façon d’une fontaine regorgeante, qui la verse à tous, tous les jours et sous toutes les formes, à larges flots, en fines gouttelettes, sans jamais tarir ni se ralentir, par tous les orifices et tous les canaux, prose, poésie, grands et petits vers, théâtre, histoire, romans, pamphlets, plaidoyers, traités, brochures, dictionnaire, correspondance, en public, en secret, pour qu’elle pénètre à toute profondeur et dans tous les terrains : c’est Voltaire « J’ai fait plus en mon temps, dit-il quelque part, que Luther et Calvin », et en cela il se trompe.