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11. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Je m’en réjouissais, ma tante, et je rabattais tant que je pouvais les larges bords de mon chapeau calabrais sur mes yeux, pour que l’ombre étendue du chapeau empêchât aussi le pauvre meurtrier, surpris, de me reconnaître d’un premier regard et de jeter un premier cri qui nous aurait trahis aux autres prisonniers du cloître. […] Allons la chercher ; tirons-en quelques sons d’abord faibles et décousus, dans la cour, bien loin du cachot du meurtrier ; éveillons ainsi son attention, puis taisons-nous pour lui donner le temps de revenir de son étonnement ; puis recommençons un peu plus fort et d’un peu plus près, pour lui faire comprendre que c’est moi qui approche ; puis, taisons-nous de nouveau ; puis, avançons en jouant plus fort des airs à nous seuls connus, pour qu’il ne doute plus que c’est bien moi et que, de pas en pas et de note en note, il sente que je vais précautieusement à lui, et qu’il soit tout préparé à me revoir et à se taire quand la zampogne se taira et que j’ouvrirai la première grille de son cachot. […] CXCVI Ma voix, qu’il reconnut, lui ôta le doute, et il s’élança à son tour vers moi de toute la longueur de sa chaîne rivée au mur dans le fond de la prison ; elle était juste assez longue pour que le bout de nos doigts, mais non pas nos lèvres, pussent se toucher. […] — Est-ce que vous ne donneriez pas beaucoup, lui demandai-je, pour que votre petit eût deux tasses de lait au lieu d’une ? […] laissez-moi descendre vite à la ville pour qu’on me la rende avant qu’elle ait été salie dans son âme par le contact avec ces malfaiteurs et ces bourreaux !

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