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543. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

D’après la théorie, le rouge et le violet du spectre, même aux points où ils nous semblent le plus intenses, sont des sensations composées ; car, à la sensation élémentaire qui est alors au maximum, sont jointes les deux autres, qui sont alors au minimum ; la première est donc mélangée, affaiblie ; elle n’est pas absolument pure ni la plus forte possible. […] Parmi ces couples, on en compte quatre principaux, le rouge et le vert bleuâtre, l’orangé et le bleu cyanéen, le jaune et l’indigo, le jaune verdâtre et le violet ; réunies deux à deux, ces couleurs nous donnent la sensation du blanc, et l’on voit sur le spectre qu’elles sont séparées par une distance moyenne. — Au contraire, prenons sur le spectre les couleurs séparées par la plus grande distance possible, le rouge et le violet ; leur assemblage produit une sensation de couleur distincte, celle du pourpre. — Ces deux remarques donnent la loi qui régit tous les mélanges de couleurs spectrales. — Deux couleurs étant données pour être mélangées, leur distance sur le spectre, comparée à cette distance moyenne qui produit le blanc, en diffère d’une quantité plus ou moins grande. […] Mais il y en a d’autres ; car, de ce qu’il y a une condition spéciale, il ne suit pas forcément que cette condition soit la présence d’un nerf spécial. — Deux autres explications sont possibles. […] « Partant, dit encore Weber, la sensation de pression et le discernement de ses degrés si nombreux et si différents ne sont possibles que lorsque la pression agit sur les organes du tact, et à travers eux, sur les extrémités des nerfs tactiles ; cette sensation ne naît point quand les nerfs tactiles sont directement comprimés. » — Par conséquent la sensation de pression a pour condition spéciale, non pas la pression du nerf, mais une certaine modification de certains organes ou alentours du nerf. […] Par cette correspondance, les événements du dedans cadrent avec ceux du dehors, et les sensations, qui sont les éléments de nos idées, se trouvent naturellement et d’avance ajustées aux choses, ce qui permettra plus tard à nos idées d’être conformes aux choses et partant vraies. — D’autre part, on a vu que les images sont des substituts de sensations passées, futures, possibles, que les noms individuels sont des substituts d’images et de sensations momentanément absentes, que les noms généraux les plus simples sont des substituts d’images et de sensations impossibles, que les noms généraux plus composés sont des substituts d’autres noms, et ainsi de suite. — Il semble donc que la nature se soit donné à tâche d’instituer en nous des représentants de ses événements, et qu’elle y soit parvenue par les voies les plus économiques.

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