Ses raisons pour conquérir ces grades le plus vite possible et pour se faire tuer, s’il le faut, à les mériter, il les dit ingénument, il ne les va point puiser dans de hautes régions métaphysiques : ce sont les motifs éternels qui, dès le temps d’Homère, dès le temps de Tyrtée, agissaient sur le cœur des hommes, et qui font de ceux qui y vibrent le mieux des héros. […] Il faut des motifs dans la vie, et des motifs aussi présents que possible ; les sages, les trop sages en effet, s’ils sont livrés à eux-mêmes, courent risque de prendre l’inaction pour la supériorité, et, sous air de modération, d’écouter le conseil indirect de la paresse. […] Ne demandons pas aux hommes de ne pas être des hommes ; demandons-leur plutôt d’être le plus hommes possible, c’est-à-dire actifs, courageux, ardents et dévoués chacun dans leur ordre et dans leur ligne. […] Partant de Yeni-Keuï pour Varna, où il allait s’occuper à concentrer et à organiser l’armée, le maréchal de Saint-Arnaud songeait à se porter le plus tôt possible, et dans la première quinzaine de juillet sur Silistrie, pour y secourir les Turcs et atteindre les Russes s’ils s’y prêtaient. […] Opérant son débarquement le 14, et de la façon la plus brillante, la plus magnifique qu’on pût espérer, il pousse ses mouvements avec toute la rapidité possible ; mais nos braves alliés les Anglais n’ont pas l’élan de Saint-Arnaud : ils ne sont et ne seront jamais prêts (c’est lui qui le dit) qu’à se bien battre en face de l’ennemi, et il faut les locomotiver dans les intervalles ; ils ne savent pas se retourner : « Il y a deux jours, écrivait de Old-Fort le maréchal, à la date du 18, que j’aurais pu avoir battu les Russes qui m’attendent à Alma, et je ne peux partir que demain, grâce à MM. les Anglais qui ne se gênent guère, mais me gênent bien !