De deux choses l’une, alors : ou le son houppe éveille dans l’esprit la seule idée d’une aigrette fabriquée ; il n’est plus qu’un signe arbitraire, et il possède toutes les qualités de ce genre de signes ; ou bien il éveille, avec l’idée de l’aigrette fabriquée, celle de l’oiseau huppe, dont l’esprit n’a que faire pour le moment ; dans ce dernier cas, le signe est un instrument de confusion ou même d’erreur. […] Quand un état A ne peut être présent à la conscience sans susciter immédiatement un autre état B, l’état A possède à l’égard de l’état B la vertu significative ; il est un signe, non par ses caractères intrinsèques, mais par son association avec un autre état. […] Outre leur spécificité intrinsèque et personnelle, les idées possèdent ainsi une sorte de spécificité indirecte qui consiste pour chacune d’elles dans la faculté d’être éveillée par telle idée et d’éveiller telle autre idée. […] Pour séparer dans l’apport du sens commun l’or et le sable, confirmer le bon sens par une adhésion motivée, ébranler et déraciner les préjugés, il faut posséder une grande force de réflexion, une rare puissance d’analyse et de comparaison, une personnalité intellectuelle énergique et infatigable. […] Sans doute les idées ne peuvent jamais être séparées du langage ; mais, lorsqu’un esprit possède pour une même pensée deux expressions équivalentes, l’idée lui apparaît jusqu’à un certain point dégagée de ses voiles ; il comprend qu’elle n’est pas nécessairement attachée à un mode unique d’expression ; il la conçoit à part comme le lien, l’élément commun de deux formes sensibles hétérogènes302.