» Si peu nombreux que soient les chants qui nous restent, ils reviennent sur ce sujet : l’homme exilé pense en rêve à son seigneur47 ; « il lui semble dans son esprit — qu’il le baise et l’embrasse, — et qu’il pose sur ses genoux — ses mains et sa tête, — comme jadis parfois, — dans les anciens jours, — lorsqu’il jouissait de ses dons. — Alors il se réveille, — le mortel sans amis. — Il voit devant lui — les routes désertes, — les oiseaux de la mer qui se baignent, — étendant leurs ailes, — le givre et la neige qui descendent, mêlés de grêle. — Alors sont plus pesantes — les blessures de son cœur. » — « Bien souvent, dit un autre, nous étions convenus tous deux — que rien ne nous séparerait, — sauf la mort seule. — Maintenant ceci est changé, — et notre amitié est — comme si elle n’avait jamais été. — Il faut que j’habite ici — bien loin de mon ami bien-aimé, — que j’endure des inimitiés. — On me contraint à demeurer — sous les feuillages de la forêt, — sous le chêne, dans cette caverne souterraine. — Froide est cette maison de terre. — J’en suis tout lassé. — Obscurs sont les vallons — et hautes les collines, — triste enceinte de rameaux — couverte de ronces, — séjour sans joie… — Mes amis sont dans la terre. — Ceux que j’aimais dans leur, vie, — le tombeau les garde. — Et moi ici avant l’aube, — je marche seul — sous le chêne, — parmi ces caves souterraines… — Bien souvent ici le départ de mon seigneur — m’a accablé d’une lourde peine. » Parmi les mœurs périlleuses et le perpétuel recours aux armes, il n’y a pas ici de sentiment plus vif que l’amitié, ni de vertu plus efficace que la loyauté.Ainsi appuyée sur l’affection puissante et sur la foi gardée, toute société est saine.