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949. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

C’est à ce moment1036 que paraissent le Tatler, le Spectator, le Guardian, et tous ces essais agréables et sérieux qui, comme le roman, vont chercher le lecteur à domicile pour l’approvisionner de documents et le munir de conseils, qui, comme le roman, décrivent les mœurs, peignent les caractères et tâchent de corriger le public, qui enfin, comme le roman, tournent d’eux-mêmes à la fiction et au portrait. Addison, en amateur délicat des curiosités morales, suit complaisamment les bizarreries aimables de son cher sir Roger de Coverley, sourit, et d’une main discrète conduit l’excellent chevalier dans tous les faux pas qui peuvent mettre en lumière ses préjugés campagnards et sa générosité native, pendant qu’à côté de lui le malheureux Swift, dégradant l’homme jusqu’aux instincts de la bête de proie et de la bête de somme, supplicie la nature humaine en la forçant à se reconnaître dans l’exécrable portrait du Yahou. […] Le même point de vue produit les portraits gracieux d’Addison et les épopées diffamatoires de Swift. […] Richardson esquissait ici le portrait de l’épouse anglaise, ménagère et sédentaire, studieuse et obéissante, aimante et pieuse, et Fielding allait l’achever dans Amélia. […] Un peu de fiction, quelques portraits, le moindre agrément suffira pour l’orner ; cette substantielle nourriture n’a besoin que d’un assaisonnement très-simple ; ce n’est point la nouveauté du mets ni la cuisine friande, mais la solidité et la salubrité qu’on y recherche.

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