C’est comme si ces paroles mystiques des manuels de dévotion restaient chaudes de la chaleur des lèvres et des cœurs pieux qui les ont tant de millions de fois prononcées… Et cela se rapproche déjà, par endroits, de la langue qui devait se parler cent cinquante ans après Molière dans les poésies et les romans idéalistes et romanesques : Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. […] Il serait enfin, par bien des points, pareil à cet Onuphre dont La Bruyère a tracé un portrait si vrai et si exactement nuancé. […] angélique (riant) : Il l’aura, Monsieur Lucidor ; il l’aura, il l’a déjà ; je l’aime autant que vous, ni plus ni moins. » Et le misérable, qui ne peut pas ne pas s’apercevoir de la méprise de cette innocente, s’applique à la prolonger : « Vous aurez aussi son cœur, Angélique, je vous assure ; je le connais ; c’est tout comme s’il vous le disait lui-même. » Là-dessus il lui présente Frontin : « C’est lui, c’est ce mari pour qui vous êtes si favorablement prévenue. » Et le bourreau a le courage d’ajouter cette cruauté inutile : « Mon ami m’a apporté aussi le portrait d’une jeune et jolie personne qu’on veut me faire épouser à Paris. » Et il lui montre ce portrait : « Jetez les yeux dessus : comment le trouvez-vous ? […] Il veut que le peintre qui fait le portrait de sa fille Eugénie n’oublie pas de mettre dans son tableau la maison et les arbres du parc : c’est qu’il est content d’avoir un château et de beaux arbres, et qu’il n’est pas fâché qu’on le sache.