Le meilleur moyen d’entretenir cette fascination est donc d’inonder les villes et les campagnes de prospectus portant ces simples mots : « Dreyfus est un traître », mais en lettres immenses et avec les portraits des cinq ministres de la guerre. Et, pour lutter à armes égales contre cette propagande, ce ne sont point les documents de l’enquête qu’il faut répandre à profusion, c’est le prospectus opposé : « Dreyfus est innocent », avec les portraits des onze principaux publicistes qui ont soutenu le bon combat. […] Même remarque pour la prédication de Bourdaloue, où les portraits nous servent à expliquer comment des sermons, devenus illisibles, ont pu usurper une gloire nominale qui résiste encore à notre indifférence pour une œuvre si prodigieusement ennuyeuse. […] « Monsieur le marquis de La Fare, que le monde et la république des lettres regrettèrent comme un de leurs plus beaux ornements, lorsqu’il mourut en 1712, avait prié M. l’abbé Chaulieu de lui donner son portrait. […] L’ouvrage le mieux composé, orné de portraits d’une bonne ressemblance, rempli de mille autres perfections, est mort-né si le style manque. » Aucune sentence de la critique n’est admise plus universellement comme axiome que celle-ci : « Les ouvrages bien écrits sont les seuls qui passent à la postérité. » Non, ce n’est pas un axiome, c’est une question.