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1273. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

La mère de Napoléon n’est dans l’histoire que le ventre qui l’a porté. […] Et le grand et tranquille retroussement de draperie porté sur le bras droit, dont la main tient le sceptre du monde, — un manche à balai pour l’heure. — Apparition de grandeur et de majesté de l’humanité. […] Le soir, au moment, où on relevait les blessés pour les porter aux ambulances, le canonnier dit au capitaine : « Je voudrais bien aller voir mon coup de ce matin ! » Le canonnier va à l’endroit où son coup avait dû porter, et trouve un vivant encore chaud, mais un vivant dont le boulet avait fait, dans la face, le creux rond d’une serpe, avait enlevé le nez, les yeux, la bouche, tout ce qui est la figure d’un homme. […] On le voit, dans le premier moment, ignorant de sa blessure, se tâter de ses bras étendus, d’abord les jambes, tout doucement remonter, se tâter les cuisses, puis le ventre, l’estomac, la poitrine, puis arrivé là, s’arrêter un moment, avoir un mouvement d’épaules qui fit peur, porter enfin les mains à sa tête, à la place de sa figure, au bandage qui la recouvrait et l’arracher… On le fit vivre cinq jours.

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