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597. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Elle porte la blouse à faire peur, et la couronne à faire envie ; un pied sur le trône, un pied sur la barricade, elle règne par le droit de sa naissance, elle règne par le droit de sa conquête ! […] Ils ont dépensé leurs plus belles années, leur plus beau style et leur meilleur esprit, à soutenir, à parer, à décorer, à fortifier la chose de ce monsieur ; ils ont fécondé sa terre, ils ont taillé sa vigne, ils ont mené paître ses troupeaux, ils ont supporté, pendant que le maître dormait, ou batifolait avec ses esclaves, la chaleur de la journée et la fraîcheur du matin ; ils n’ont pas osé être malades sans la permission de ce monsieur ; ils ont regardé dans les yeux de Trajan, pour savoir si Trajan était content ; ils ont été attentifs à sa moindre parole, ils ont interrogé son sourcil de Jupiter Olympien, ils ont flatté même sa cuisinière, la complice de sa toute-puissance ; ils ont ri de son rire, et pleuré de son chagrin ; ils ont sué, ils ont halé, ils ont râlé… et les voilà à la porte de cette maison qu’ils ont bâtie, à la porte de ces jardins qu’ils ont plantés ; et du jour au lendemain, pendant que ce sol qu’ils ont fécondé de leur esprit, de leur talent, de leur labeur, rapporte au maître un intérêt qui serait un capital pour les ouvriers de la vigne, nul ne s’informe du destin de ces ouvriers habiles, actifs, intelligents, dévoués, braves jusqu’à l’audace, hardis jusqu’à l’abnégation ! […] vingt-sept ans, répondent ses bonnes amies ; et trois mois après, au premier bal où elle va réussir, ces bonnes amies diront aux jeunes gens : — Vous voyez bien, là-bas, cette belle dame qui porte des roses blanches sur la tête et qu’on entoure, c’est une femme de quarante ans, qui le dirait ? […] Par la porte entr’ouverte, on voit l’étable pleine Des bœufs et des chevaux revenus de la plaine ; Ils prennent leur repas ; on les entend de loin Tirer du râtelier la luzerne et le foin ; Leur queue aux crins flottants, sur leurs flancs qu’ils caressent, Fouette, à coups redoublés, les mouches qui les blessent. […] Le nuage s’avance au souffle de la bise, Il porte sur son flanc comme une tache grise… C’est la grêle !

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