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783. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais, presque en même temps, revenait à la surface de la vie européenne le démon de la politique, sous son costume du révolutionnaire moderne. Le monde politique de 1830 à 1880 faisait l’art à son image ou lui marquait sa place dans les boudoirs et les théâtres d’opérette ; le monde moderne cherchait son idéal ailleurs que dans l’art idéal : les poètes romantiques n’avaient aspiré qu’à faire avant tout et librement l’art idéal vivant, mais la vie, devenue encore plus libre, avant tout se consacrait à la politique, non à l’art. […] Mais, aussitôt que les hommes ne sont plus obsédés par la seule politique qui les sépare entre eux, aussitôt qu’ils commencent à de nouveau sentir en eux le besoin de la profonde et vraie musique, ils sont dans le chemin de regagner cette pure harmonie qui unit les peuples comme des hommes-frères, — cette harmonie que Beethoven célébrait dans le chœur final de la neuvième symphonie, et sur laquelle Wagner a érigé son drame de musique. […] Or, voici que déjà les âmes françaises commencent à éprouver ce sentiment, et à en prendre conscience : l’espoir commence en même temps d’une entente prochaine ; et il semble presque que tout le triste spectre de la politique ait eu pour seul but de mener ces deux peuples qui signifient le monde, — les Romains et les Germains, — au point où ils pourraient se connaître. Ils devaient sans doute s’opposer dans une opposition définitive pour se pouvoir enfin regarder plus librement, au-delà de la comédie politique, pour se regarder jusqu’à ce qu’ils se soient reconnus frères d’une même maison.

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