Bernis, revenu de Venise et qui était dans la main de Mme de Pompadour, fut chargé de rédiger l’œuvre et de concerter le traité d’alliance : malgré ses premières objections d’homme sensé, il ne résista pas longtemps au mouvement général qui entraînait tout le monde autour de lui ; il fut ébloui et crut contribuer à la plus grande opération politique qu’on eût tentée depuis Richelieu. […] On a quelque peine à se faire au style de Bernis dans cette correspondance toute politique ; plus tard, en écrivant de Rome, il aura bien des familiarités encore ; mais la politesse du langage sera continuelle chez lui, et la décence de la pourpre romaine s’étendra graduellement sur les sujets qu’il aura à traiter. Ici, dans ses confidences politiques de chaque jour, il s’abandonne, il parle non seulement sa langue, mais celle qui se parle autour de lui, et, au milieu de ces révélations trop vraies et dont les tristes parties appelleraient le burin d’un Tacite, il a de ces mots qui trahissent le jargon des boudoirs de Bellevue ou de Babiole6, écaniller, trigauder, brûler la chandelle par les deux bouts, etc. […] Ce qui manque évidemment à Bernis dans toute cette carrière purement politique, c’est le caractère et la trempe d’un homme d’État supérieur ; n’en ayant ni le fond ni l’apparence, il ne sut point conquérir sur ses alentours cet ascendant qui ne s’accorde jamais à ceux à qui on peut le refuser. […] Une idée politique se mêlait aux inquiétudes et aux angoisses croissantes de Bernis : M. de Choiseul n’était point engagé aussi directement que lui dans la politique de l’alliance, et, à son entrée, on était libre de rompre ou de modifier ce qui avait été réglé par d’autres.