Il est bien vrai qu’au degré de complication et de rigueur où la science est arrivée, la formule de ses lois, qui n’admet plus d’à peu près, échappe au rythme et à la langue poétique. […] On l’a dit, il y a parfois du Delille chez André Chénier, non sans doute dans le sentiment poétique, mais dans certaines formes du langage poétique, dont il n’a pu complètement s’affranchir. Il veut par exemple, pour exprimer sa tentative poétique, Seul et loin de tout bord, intrépide et flottant. […] Le doute d’Alfred de Musset est poétique parce qu’il peut s’exprimer ainsi : « Je voudrais croire et je ne puis » ; mais nous sommes en défiance des effets poétiques de cet état d’esprit où le poète se dit à lui-même : « Sachons ignorer. » J’admire cette résignation et cette prudence philosophiques ; c’est peut-être le dernier résultat de l’analyse et de la logique, ce n’est pas là matière à poésie. […] L’œuvre s’est ressentie de cette fluctuation d’idées successives et contraires : le doute est poétique, l’indécision ne l’est pas.