Tout étranger à la littérature active et militante que soit toujours resté M. de Lamartine, quelque réelles et profondes que paissent déjà paraître aujourd’hui les différences qui le séparent des générations poétiques plus jeunes et plus aventureuses, il ne demeure pas moins incontestable qu’il est avec M. de Chateaubriand, et le second par la renommée et par l’âge, à la tête de cette révolution dans l’art qui s’est ouverte avec le siècle. […] Poète de recueillement et de rêverie, on désirait savoir sa pensée encore ignorée sur cette renaissance poétique dans laquelle sa part est si grande ; on voulait entendre de quel ton il s’adresserait à ses devanciers, et comment il désignerait ceux qui le suivent. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.