Il prétendait que, dans ces matières de poésie et de belles-lettres, le monde fût affranchi des jugements d’autorité et même de tradition, exactement comme il l’était en matière de philosophie depuis Descartes. […] Ce qui manque à l’abbé de Pons comme à La Motte, dans l’émancipation littéraire qu’ils tentent, c’est une connaissance, une comparaison directe et plus variée des littératures et des poésies, l’habitude de se placer à des points de vue historiques différents, la faculté de s’éloigner tant soit peu de leur quai et de leur Louvre, en un mot ce qui fait et achève l’éducation du goût. […] Gacon, un chétif et déshonorant défenseur des anciens, s’était mis en effet du jeu : sous le titre d’Homère vengé, il publia en 1715 le livre le plus incohérent et le moins solide, mi-partie de vers et de prose, folâtre de ton, tout bariolé de fables et de rondeaux, le tout à l’honneur du père de la poésie et contre son moderne détracteur. […] La Dissertation de l’abbé de Pons amena l’aimable jésuite du Cerceau à le réfuter dans le Mercure du mois suivant, et à venir plaider la cause de la poésie et de la versification dans un article fort poli, assez juste, et où il s’applique à disculper les vers de ce reproche d’air gêné et d’affectation : Pour moi, observait-il assez finement, si j’ose dire ce que je pense, je m’en aperçois bien davantage (de cet air contraint) dans des ouvrages de prose, pleins d’esprit d’ailleurs, mais dont le style me paraît bien plus gêné et plus affecté que celui de la poésie. […] Une telle prose savante s’impose autant d’entraves et de lois secrètes que la poésie.