Il y a six ans, M. de Lamartine était ce qu’il est aujourd’hui : il avait publié ses admirables Méditations et son Dernier chant de Child-Harold ; l’impression de cette divine poésie était toute fraîche et vive dans les âmes. […] Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs. […] L’ordre s’organisant avec l’Empire, la liberté revenant avec la Restauration, un jugement philosophique et moral sur la poésie d’Horace, un touchant et cordial éloge du feu duc Matthieu de Montmorency, ont tour à tour fourni aux développements de l’orateur et aux applaudissements de l’auditoire. […] Cuvier est un homme de génie lui-même ; arrivé à ces hauteurs de la science où elle se confond presque avec la poésie, il était digne de comprendre et de célébrer le poète philosophe qui, dans l’incertitude de ses pensées, avait plus d’une fois plongé jusqu’au chaos, et demandé aux éléments leur origine, leur loi, leur harmonie : Aristote pouvait donner la main à Platon. […] L’onction, la foi manquaient à ses paroles, quand il essayait de caractériser ces poésies aimables, peu s’en faut qu’il n’ait dit légères.