Par-là, malgré les graces de son élocution, le Poëte tombe dans une monotonie insipide, & cette monotonie produit un ennui invincible, comme on l'a déjà* remarqué. […] Qui ne s'apperçoit en effet que ses Personnages montrent trop de penchant à discourir ; qu'ils raisonnent le plus souvent, lorsqu'ils devroient agir ; que le Poëte se met indiscrétement à leur place, mal-adresse qui nuit toujours à l'illusion & affoiblit l'intérêt ? […] On pourroit leur répondre encore, que M. de Voltaire étant devenu le Poëte à la mode, le goût du Siecle, corrompu par ce Poëte lui-même, ne doit pas servir de regle, quand il s'attache uniquement à lui ; qu'il paroît assez que ce goût ne s'occupe que de ce qui peut l'amuser ; qu'il s'inquiete peu s'il est d'accord avec les vrais principes ; & qu'enfin, indépendamment des dispositions de la multitude pour son Poëte favori, les ressorts de la Cabale qui le préconise, contribuent, plus que tout le reste, à le rendre Possesseur exclusif du Théatre. […] Qu’on ne s’imagine pas que nous voulions faire entendre par-là, que sa Prose soit mauvaise ou inférieure à sa Poésie : ce seroit être absurde, que de méconnoître dans le Prosateur les mêmes qualités qui brillent dans le Poëte. […] De là, ami & admirateur de Crébillon, il a publié, du vivant de ce Poëte, des Critiques anonymes contre lui, parce qu'il étoit jaloux de sa gloire ; & des Libelles, après sa mort, parce que le Monarque lui élevoit un monument.