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350. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Je revoyais l’ancienne salle de spectacle, le petit bois plein de terreur, où étaient enterrés le père et la mère de ma tante, l’espèce de temple grec où les femmes attendaient le retour de leurs maris, de la Cour des comptes et du ministère des affaires étrangères ; enfin je me rappelais Germain, ce vieux brutal de jardinier, qui vous jetait son râteau dans les reins, quand il vous surprenait à voler du raisin. […] Le temps était beau, et les petites allées étaient pleines d’hommes et de femmes, à l’air heureux de gens qui sortent de l’hiver et respirent le printemps. […] si cela pouvait continuer, durer… mais j’ai eu de si terribles déceptions, après des journées pleines de promesses ! […] * * * Jour par jour, assister à la destruction de tout ce qui faisait la distinction de ce jeune homme — distingué entre tous — le voir saler son poisson à la salière, prendre sa fourchette à pleines mains, manger comme un pauvre enfant, c’est trop… Ce n’était donc pas assez que cette cervelle travailleuse ne pût plus produire, plus créer… que le néant l’habitât. […] Le soleil entre, à pleins rayons, par la fenêtre ouverte et joue sur sa bière, et dans les fleurs du gros bouquet placé à sa tête.

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