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309. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Je sais qu’aux yeux de plusieurs cette foi à la science et à l’esprit humain semblera un bien lourd béotisme et qu’elle n’aura pas l’avantage de plaire à ceux qui, trop fins pour croire au vrai, trouvent le scepticisme lui-même beaucoup trop doctrinaire et, sans plus insister sur ces pesantes catégories de vérité et d’erreur, bornent le sérieux de la vie aux jouissances de l’égoïsme et aux calculs de l’intrigue. […] Le rieur a l’immense avantage d’être dispensé de fournir ses preuves : il peut, selon son humeur, déverser le ridicule sur ce qui lui plaît, et cela sans appel, dans les pays du moins où, comme en France, sa tyrannie est acceptée pour une autorité légitime. […] Littérature d’épicuriens, bien faite pour plaire à une classe riche et sans idéal, mais qui ne sera jamais celle du peuple : car le peuple est franc, fort et vrai ; littérature au petit pied, renonçant de gaieté de cœur à la grande manière de traiter la nature humaine, où tout consiste en un certain mirage de pensées et d’arrière-pensées : nulle assise, un miroitement continuel. […] Plût à Dieu que toutes les âmes vives et pures fussent convaincues que la question de l’avenir de l’humanité est tout entière une question de doctrine et de croyance, et que la philosophie seule, c’est-à-dire la recherche rationnelle, est compétente pour la résoudre !

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