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188. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Au-dessous du génie, qui est le don unique de la nature, il est de nobles places encore, et Droz se plaît à les indiquer aux jeunes talents comme des degrés honorables dans lesquels ils peuvent se rendre utiles et mériter l’estime : « Et peut-être est-ce là le partage, ajoute-t-il, qu’il faut demander pour ceux dont on désire le bonheur ; avec plus de moyens on s’élève à bien des périls. » C’est ainsi que, dès les premiers pas, cette âme élevée et justement tempérée circonscrit elle-même la limite de son désir et marque d’avance son niveau. […] Demandez donc au poète, qui a dit que la vie coule à flots de pourpre dans ses veines, de se plaire à la ralentir et à la modérer, comme on ferait des flots de lait ou de miel. […] Mirabeau se plaisait à lutter dans la tempête ; et le noble Vauvenargues, lui-même, n’a-t-il pas dit : Un tour d’imagination un peu hardi nous ouvre souvent des chemins pleins de lumière… Laissez croire à ceux qui le veulent croire, que l’on est misérable dans les embarras des grands desseins. […] Droz, du rivage élevé où il est assis, et avec la réflexion du sage, se plaît à nous indiquer du doigt quels eussent pu être ces moments fugitifs : mais qu’étaient-ils sans l’homme capable et supérieur qui, seul, eût pu en tirer parti, leur donner en quelque sorte l’existence historique, et en faire des époques véritables ?

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