/ 2164
1110. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Mais c’est aussi, le plus souvent, un bourgeois riche et « bien pensant » — ce qui ne veut nullement dire un vrai chrétien  C’est un avocat, un politique de métier, un jurisconsulte disputeur, plein d’orgueil et de défiance, peu fraternel aux hommes, imprégné du vilain esprit laïque des légistes de l’ancienne monarchie ; — ou bien encore un jeune homme élégant et un peu pédant, membre de la conférence Molé, d’existence luxueuse, et pour qui la foi est si peu le tout de la vie que ses mœurs ne sont pas chrétiennes, bref, quelque chose comme le Henri Mauperin des Goncourt   ou enfin quelque prêtre « éclairé » et tolérant, trop soigné dans sa mise, trop attentif à plaire, qui a fini par voir dans l’Église une branche de l’administration et par se considérer lui-même comme un fonctionnaire en soutane. […] Mais songez que ce traitement spécial  au cas où il vous plairait d’y voir une atteinte indirecte à la liberté de conscience  c’est dans un projet tout idéal que Veuillot le sollicite. […] Dans Saint-Simon, l’écrivain lui plaît, mais l’homme lui est odieux. « … Certes ses Mémoires sont un beau pays, et plantureux à merveille : mais il y a des fondrières et des bêtes venimeuses, et je n’aime pas à me promener en compagnie de ce duc enragé … Tout le jour courbé comme le plus souple courtisan, il éponge les souillures et les scandales ; il se sature et, le soir, il dégorge en flots de lave… Il se cache, il fabrique ses prétendues histoires en secret comme on fabrique de la fausse monnaie … On ne connaît aucun autre exemple d’une telle force ni d’une telle lâcheté… » Lisez tout le morceau, qui est superbe, et où se révèle une fois de plus une âme vraiment noble et bonne (j’y reviens toujours). — Il adore Sévigné et lui passe tout. […] Le passé, il le transfigure ; il voit le moyen âge et l’ancien régime comme il lui plaît de les voir.

/ 2164