Asseyez-vous ici, sur cette pierre ; je me placerai derrière le feuillage, et nous converserons sans nous voir. […] Non, vous ne me quitterez point ; placez-vous près de moi. […] C’était la chambre qu’avait habitée ma sœur, et je n’y étais plus rentré depuis sa mort : son fauteuil était encore placé comme lorsque je l’en avais retirée pour la dernière fois ; je sentis un frisson de crainte en voyant son voile et quelques parties de ses vêtements épars dans la chambre : les dernières paroles qu’elle avait prononcées avant d’en sortir se retracèrent à ma pensée : « Je ne t’abandonnerai pas en mourant, me disait-elle ; souviens-toi que je serai présente dans tes angoisses. » En posant la lampe sur la table, j’aperçus le cordon de la croix qu’elle portait à son cou, et qu’elle avait placée elle-même entre deux feuillets de sa Bible. […] Je la pris dans mes bras pour l’enlever. « Soutiens-moi seulement, me dit-elle ; j’aurai peut-être encore la force de marcher. » Je la conduisis lentement jusque dans les noisetiers ; je lui formai un coussin avec des feuilles sèches qu’elle y avait rassemblées elle-même, et, l’ayant couverte d’un voile, afin de la préserver de l’humidité de la nuit, je me plaçai auprès d’elle ; mais elle désira être seule dans sa dernière méditation : je m’éloignai sans la perdre de vue.