/ 2853
827. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Le Dernier Abencérage est une transposition poétique des impressions d’Espagne, qui n’avaient pu trouver place dans le cadre des Martyrs, et c’est de plus une réplique ou réduction d’une des idées fondamentales de la grande épopée : musulman et chrétienne, chrétien et païenne, au fond des deux récits est l’antithèse de deux religions. […] D’une façon générale, la place que dans le roman, dans la pensée, dans l’histoire même et les ouvrages de philosophie ou d’érudition tient aujourd’hui la peinture de la nature, de Sand à Loti et de Michelet à Renan, cette place a été marquée par Chateaubriand669.

/ 2853