Je ne veux pas me répandre en complaintes morales et en pressentiments sinistres ; mais je n’hésite pas à affirmer qu’il n’y a point d’imagination qui puisse se représenter avec une vérité suffisante ce qui arriverait en nous et autour de nous si la place qu’y tiennent les croyances chrétiennes se trouvait tout à coup vide, et leur empire anéanti. […] et par quelle suite laborieuse et lente d’inventions, de hasards heureux, d’industrie et de luttes, par quelles horribles scènes d’entre-mangeries et de massacres, il a dû commencer à se frayer la route, à déblayer et à marquer sa place sur cette terre humide encore et à peine habitable, dont il sera un jour le roi ! […] Aussi vous ai-je prévenu que mon savant vit seul ; il n’a pas d’enfants autour de lui qui l’interrogent et auxquels il faut faire une réponse à tout, une réponse quelconque, car ils en veulent une ; il n’a pas à parler non plus à ces hommes réunis qui sont plus ou moins comme des enfants ; il cause avec quelques amis, avec des chercheurs comme lui ; ils se communiquent leurs doutes, leurs espérances hardies, leurs ambitions droites et sobres, leurs joies austères : il n’y a jamais place pour le sourire.