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424. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Le Cardonnel ne se fit pas prier et nous régala de plusieurs poèmes où s’affirmait déjà sa maîtrise ; celui-ci, entre autres, d’une impression intense et neuve, d’une langue délayée, sans arêtes, aux contours imprécis comme un brouillard de rêve : VILLE MORTE Lentement, sourdement, des vêpres sonnent Dans la grand’paix de cette vague ville ; Des arbres gris sur la place frissonnent, Comme inquiets de ces vêpres qui sonnent. […] Murs décrépits, lumière décrépite Que ce novembre épand sur cette place : Sur un balcon, du linge froid palpite, Pâle, dans la lumière décrépite, Et puis le son des cloches qui se lasse… Tout à coup, plus de cloches, plus de vieille, Plus de pauvre idiot, vaguement singe, Et l’on dirait que la ville sommeille, Plus d’idiot, de cloches, ni de vieille… Seul, maintenant, le blanc glacé du linge. […] La patronne tricotant, assise au milieu de ses enfants, surveillait de sa place, le soir venu, les-allées et venues des couples, dont l’ombre, au passage, se profilait sur le judas du couloir.

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