Mais malgré l’influence d’un tel homme, qui avait honte pour l’Allemagne de son absence de nationalité dramatique, malgré la tentative qu’on faisait de la création d’un théâtre, l’asservissement des Allemands aux idées françaises était si grand et presque si fatal, que les pièces qu’ils jouèrent à Hambourg furent presque toutes des pièces françaises, et quelles pièces ! […] Lui, le critique attitré du théâtre de Hambourg, prit acte des pièces qu’on y jouait pour les faire passer, elles et le système dramatique dont elles étaient l’expression, par les dents d’une herse si terrible et si profondément enfoncée, que, de ces pauvres pièces, il n’en resta plus que les lambeaux ! […] Lessing, toutes les fois qu’il y avait une représentation au théâtre de Hambourg, faisait son feuilleton comme nous faisons le nôtre maintenant, et hersait la pièce ; car je ne puis donner une idée de sa critique que par cette image. Prendre une pièce de théâtre, comme Rodogune, par exemple, comme la plus touffue, la plus crépue, la plus emmêlée des pièces de théâtre, et la faire passer, d’une main adextre et leste, à travers un démêloir d’acier assez souple pour ne se briser jamais, voilà la critique de Lessing ! […] Comme il prend ses pièces, — Sémiramis, Mérope, Zaïre, — et leurs préfaces sophistiquées, et comme il détache par morceaux de ces pièces et de ces préfaces tout cet affreux plaqué que Voltaire, qui ne travaillait qu’en plaqué dans l’art dramatique, ne croit pas, mais veut nous donner pour le pur érable d’œuvres originales et sincères !