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11. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Tout auteur qui écrit une pièce en vue d’une étoile, en vue de tel ou tel acteur ou de telle ou telle actrice, n’écrit point pour le lecteur, se résigne à n’être pas lu et condamne en vérité sa pièce comme œuvre d’art. […] Pour pouvoir lire une pièce, il faut avoir été assez souvent au théâtre ; car il faut, en lisant une pièce, la voir, la voir des yeux de l’imagination telle qu’on la verrait sur un théâtre. […] Une des choses qui distinguent une pièce bien faite d’une pièce mal faite, une pièce vivante d’une pièce sans vie, c’est que la première, on la voit, et que la seconde, on ne la voit pas. De même que le bon dramatiste a écrit sa pièce en la voyant, de même le bon lecteur lit la pièce en la dressant devant ses yeux. […] La raison de Corneille est avec Sévère, son cœur avec Pauline, sa foi avec Polyeucte ; les meilleures parties de lui sont partout répandues dans cette pièce et, par parenthèse, c’est une des raisons pourquoi cette pièce est si admirable.

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