/ 1789
245. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il y était intéressé et parce qu’il était fort loué dans le poème, et par toutes sortes de motifs de revanche délicate ou de prosélytisme philosophique ; pourtant il loue si fort, et il y revient si souvent dans les mêmes termes, qu’il faut bien croire que c’était le fond de sa pensée : J’ai un remords, écrivait-il à Saint-Lambert (7 mars 1709), c’est d’avoir insinué à la fin du Siècle présent, qui termine le grand Siècle de Louis XIV, que les beaux arts dégénéraient. […] Thomson, que d’ailleurs il estime, n’est point, selon lui, à mettre en parallèle avec le poète français, soit pour l’agrément des peintures, soit pour l’utilité philosophique du but. […] Il mérite que Mme d’Épinay, étonnée, lui dise : « Vous, monsieur, qui êtes poète, vous conviendrez avec moi que l’existence d’un Être éternel, tout-puissant, souverainement intelligent, est le germe d’un plus bel enthousiasme. » Au reste, Saint-Lambert a lui-même exposé dans sa vieillesse, et sans plus y mêler la mousse du champagne, la série et le système complet de ses réflexions sur tous sujets dans ce fameux Catéchisme universel qui parut une œuvre philosophique si morale sous le Directoire. […] J’ai supporté avec le courage d’un stoïcien la captivité pendant les six mois brumeux, neigeux et pluvieux, qui ont passé sur ma tête en prison : ce même courage ne m’a point abandonné, mais à mon insu, et malgré moi, ma pensée me quitte à tout moment ; et, quand je la retrouve, c’est au milieu des jardins et des campagnes dont je ne jouis pas, moi qui m’étais tant promis d’en jouir ; et, pour m’entretenir encore dans cette disposition d’âme, moitié pénible, moitié agréable, le hasard a fait que ce moment de l’année se rencontre avec la traduction de cette partie de L’Été où Thomson, avec un charme inexprimable, une mélancolie philosophique, peint les délices de la promenade… Il traduisait donc Thomson sous les verrous ; il regrettait de ne pouvoir suivre le cours de botanique et les herborisations de Desfontaines ; il donnait à sa fille, âgée de dix-huit ans, distinguée par l’esprit et le savoir, de bons conseils de tout genre.

/ 1789