Le pouvoir émissif de cet esprit est tel qu’il ne rencontre nulle zone capable de s’opposer à la traversée du rayon ; et les zigzags de son trajet, qui nous découvrent au passage, comme autant d’univers superposés, les « mondes possibles » du philosophe, illuminent — mais d’une lumière indifférente, et déjà presque refroidie — tous les hasards inscrits dans la constitution du nôtre. […] Sens du possible qui n’est pas seulement la condition de l’action ou de la pensée accomplie, mais qui plus profondément encore est à la base, est la racine même de toute éthique personnelle, — de la possibilité d’une telle éthique ; et c’est cela qui davantage encore importe à Maurois ; c’est là où ses vues apparaissent si claires, si réfléchies, si nettement équilibrées : aux possibilités inscrites dans les choses correspondent — parfois hélas s’opposent — les possibilités inscrites dans notre être même ; et c’est pourquoi au philosophe qui du grand homme affirme : « le présent est sa tranchée de départgf », le lieutenant donne, mais bien plus tard, et sur un ton à la fois sérieux et nostalgique, la réplique en ces termes : « Oui, se connaître comme tranchée de départ…gg » Savoir ce dont on est capable, — la capacité actuelle comprenant ou du moins n’excluant jamais la zone encore inatteinte, non toute hors d’atteinte cependant de la capacité virtuelle, s’étendant jusqu’à elle pour s’y prolonger, pour y rejoindre par un incessant effort la plus intime des aspirations, se refusant toutefois à passer — fût-ce sur le seul plan de l’imagination — dans la sphère de l’impossible proprement dit.