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402. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La Fatalité, cette interprétation religieuse des phénomènes dont on ne sait découvrir les causes ; la Fatalité dont les Romantiques de 1830 usèrent et abusèrent si libéralement, était alors autre chose qu’un expédient littéraire, fraîchement retrouvé des Grecs : si Racine se servait des Romains et des Grecs pour déguiser les courtisans de Versailles, qui sont les personnages de ses tragédies, il ne recourait pas à la Fatalité pour expliquer leur actions. […] Afin de comprendre ces phénomènes sociaux qui frappaient et détruisaient comme la foudre, les explications ordinaires devenaient insuffisantes ; les esprits terrorisés ne les attribuaient pas à des causes naturelles, mais à des causes mystérieuses, à des conspirations, à des complots ténébreux, à l’or de Pitt, du duc d’Orléans, à des causes tenant du miracle. […] Jugeant l’humanité à l’aune capitaliste, ils s’écrient triomphalement : « L’homme est et restera toujours égoïste ; si vous lui retirez comme unique mobile de ses actions l’intérêt privé, vous détruisez la société, vous arrêtez le progrès et nous retournons à la barbarie. » L’âme humaine, ainsi que les autres phénomènes de la nature est, au contraire, en un perpétuel état de transformation, acquérant, développant, et perdant des vices et des vertus, des sentiments et des passions.

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