Je ne sais si l’on a détruit la foi religieuse du peuple en France, mais on aura bien de la peine à remplacer pour lui toutes les jouissances réelles dont cette idée lui tenait lieu ; la révolution y a suppléé, pendant quelque temps. Un de ses grands attraits pour le peuple a été d’abord l’intérêt, l’agitation même qu’elle répandait sur sa vie. […] On s’est trop accoutumé à penser que les hommes du peuple bornaient leur ambition à la possession des biens physiques ; on les a vus passionnément attachés à la révolution, parce qu’elle leur donnait le plaisir de connaître les affaires, d’influer sur elles, de s’occuper de leurs succès ; toutes ces passions des hommes oisifs ont été découvertes par ceux qui n’avaient connu que le besoin du travail et le prix de son salaire : mais lorsque l’établissement d’un gouvernement quelconque, fait rentrer nécessairement les trois quarts de la société dans les occupations qui chaque jour assurent la subsistance du lendemain, lorsque le bouleversement d’une révolution n’offrira plus à chaque homme la chance d’obtenir tous les biens que l’opinion et l’industrie ont entassé depuis des siècles dans un Empire de vingt-cinq millions d’hommes ; quel trésor pourra-t-on ouvrir à l’espérance, qui se proportionne, comme la foi religieuse, aux désirs de tous ceux qui veulent y puiser ?